Défense Europe — la quête d’une puissance stratégique intégrée. Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, les États de l’UE réalisent que la paix ne peut plus être présumée. Le flanc oriental — de la Baltique à la mer Noire — est sous tension permanente. En parallèle, les menaces hybrides, cybernétiques, spatiales, de désinformation, d’interférence des drones prolifèrent. L’UE se voit poussée à agir non seulement pour défendre ses frontières physiques, mais aussi pour protéger ses infrastructures critiques. Outre ses capacités industrielles et sa souveraineté technologique.

La Commission et le Conseil ont formalisé ce virage via des instruments comme Readiness 2030 (anciennement ReArm Europe). Un plan mis sur pied pour mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros d’ici 2030 afin de renforcer les capacités militaires, industrielles et stratégiques des États membres.

Éléments techniques et opérationnels structurants

Projets PESCO récents

La coopération structurée permanente (PESCO) est l’épine dorsale de la mise en commun des capacités :

  • En mai 2025, le Conseil de l’UE a lancé une 6ᵉ vague de 11 nouveaux projets PESCO, portant le total à 75 initiatives. Ces projets couvrent du sol à l’air, de la mer aux technologies stratégiques : navigation sans GNSS, armement à énergie dirigée, systèmes quantiques, interface optronique, transport médical aérien sans pilote, etc.
  • L’un des projets majeurs en cours est Odin’s Eye II, un système satellitaire Européen pour la détection précoce de missiles balistiques et hypersoniques, essentiel pour la dissuasion et la riposte.

Fonds et mécanismes de financement

  • Le European Defence Fund (EDF) sur 2021-2027, avec un budget d’environ 7,3 milliards d’euros, finance la R&D collaborative ainsi que le développement de capacités militaires partagées.
  • En 2025, la Commission investit 910 millions d’euros via EDF pour répondre à des « gaps » capacitaires : drones, défense aérienne/missiles, mobilisation industrielle, etc.
  • Le programme SAFE (Security Action for Europe) propose des prêts de 150 milliards d’euros pour renforcer la capacité d’achat, stimuler la production d’équipements stratégiques, favoriser les achats en commun, avec une clause « buy European » (et participation possible de pays associés).

Dépenses et priorités budgétaires

  • En 2024, les États membres de l’UE ont dépensé 343 milliards d’euros en défense, un bond de +19 % par rapport à 2023. Projection pour 2025 : ~381 milliards d’euros.
  • La part du budget national consacrée à l’investissement (équipements, R&D) monte : 31 % des dépenses totales en 2024.

Nouveaux “flagships” et capacités émergentes

  • European Drone Defence Initiative : système anti-drones complet, d’abord pour le flanc Est, étendu au reste de l’UE. Objectif : premières capacités opérationnelles dès fin 2026, complétude vers 2027.
  • Bouclier aérien (Air Shield) et Bouclier spatial (Space Shield) : défense contre menaces aériennes/missiles et protection des infrastructures spatiales, satellites, télémétrie, surveillance.
  • Initiatives anti-missile/hypersonique : surveillance précoce, jars de missiles (missile early warning), coordination entre pays. Odin’s Eye II en est un exemple.

Défis politiques, stratégiques et logistiques

Souveraineté vs souveraineté partagée

Les États veulent garder un contrôle national sur des décisions de guerre, sur le déploiement des forces.

Voir aussi: L’offensive stratégique de l’Europe riposte à la politique douanière des États-Unis

Les négociations pour le SAFE ont par exemple inclus des débats sur les pourcentages de contenu industriel européen et les clauses relatives aux pays tiers.

Unanimité et divergences de menace

Diversité des perceptions :

Les États de l’Est voient la Russie comme une menace directe, ceux du Sud s’inquiètent des flux migratoires, des menaces du Maghreb ou du Sahel. Cela crée des priorités divergentes.

Le processus décisionnel de l’UE.

Souvent fondé sur l’unanimité ou des majorités qualifiées, rend l’action rapide compliquée. Cela ralentit les acquisitions communes et les engagements opérationnels.

Industrialisation, chaînes d’approvisionnement et normalisation

  • Fragmentation technologique : différents standards, équipements, calibres d’armement, doctrines de maintenance compliquent l’interopérabilité.
  • Dépendances externes : composants critiques, technologies chip-fabrication, équipements spatiaux, etc., souvent importés d’Amérique du Nord ou d’Asie.
  • Besoin de normalisation forte : interfaces, systèmes, protocoles, logistique partagée, sécurité numérique.

Responsabilité & commandement

Mettre en place un commandement commun crédible, reste un défi . Qui commande quoi, avec quelle légitimité, selon quelle doctrine d’engagement ?