Au tout début de la nouvelle année scolaire, plusieurs syndicats de l’éducation nationale ont lancé un appel à la grève. Cet important mouvement auquel participent les enseignants est la conséquence des situations de travail exigeantes, auxquelles s’ajoute l’exaspération qui ne cesse de croître depuis le début de la crise sanitaire. Les syndicats entendent ainsi contester les pertes d’emplois et la détérioration de leurs conditions de travail, notamment avec l’arrivée de nouveaux enseignants directement dans les classes. Dans cet article, nous allons nous intéresser de plus près à cette grève des professeurs qui a eu lieu quelques jours avant l’ouverture des négociations avec le ministère.
Grève des professeurs pour 2 jours
À moins d’une semaine après la rentrée des classes, les enseignants se sont mis en grève à Paris, en partant de la place de la Sorbonne. Le Snes-FSU, le Snep-FSU, la FO, la CGT, le Sud et le Sundep ont été les principaux syndicats d’enseignants à l’origine de la manifestation. S’ils ont incité les enseignants à se mettre en grève, c’est pour se défendre contre la réforme du collège et pour convaincre le gouvernement de proposer des formations pour améliorer la qualité de l’enseignement qui est en constante régression.
La réforme du collège peine à passer
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, a assuré une rentrée scolaire sereine. Pour la ministre de l’Éducation nationale, 5 à 10% des écoles hésitent encore à mettre en place la réforme du collège. C’est pourtant bien la première cible de la grève des professeurs.
Au-delà de la réduction globale du nombre d’heures de cours de latin ou encore de la suppression des doubles cursus linguistiques, la réforme du collège a prévu :
●La mise en place des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires)
●De réserver chaque semaine des heures pour le tutorat des élèves
●De fixer la durée des enseignements traditionnels et communs à 26 heures par semaine
Cependant, il n’y avait pas de réelle détermination de la durée avant. Pour le gouvernement, les enseignements obligatoires représentaient déjà 26 heures hebdomadaires avant la réforme, et cette dernière ne vient pas amputer ce nombre d’heures. Mais selon les opposants à la réforme, cette durée de 26 heures ne constitue qu’une durée minimale, fréquemment excédée par les professeurs pour achever le programme. Il est clair que la mise en place de l’EPI et des heures qui l’accompagnent a rongé le temps accordé à l’enseignement courant obligatoire.
D’après les indications fournies par le Snes dans son journal hebdomadaire, le gouvernement aurait tenté d’imposer une réforme systémique allant à l’encontre des recommandations des enseignants du second degré, perturbant ainsi presque toutes les facettes de la profession. Craignant une mise en » concurrence » des établissements et des enseignants entre eux, au détriment de l’égalité devant l’éducation, les syndicats estiment que la mise en œuvre de cette réforme tient de la mystification et autorise certainement à casser le socle commun en laissant les choix se faire de plus en plus localement, rectorat par rectorat, établissement par établissement.
Les nouveaux programmes, une mission gigantesque
Les établissements du second degré ne sont pas les seuls à subir des modifications de leurs programmes. En effet, les programmes sont aussi modifiés pour les CP jusqu’à la à la troisième à partir de cette rentrée :
●Des évaluations par cycles de trois ans
●Nouveaux exercices de lecture et d’écriture
●Nouvelles méthodes d’apprentissage du calcul mental
●Introduction de cours d’informatique dans le programme
●Apprentissage d’une LV1 à partir du CP
●Modification des programmes de SVT
Ces modifications interviennent à tous les niveaux et complètent la préparation du « EPI » au collège. Cependant, ces nouveaux programmes représentent, selon les syndicats, une charge gigantesque vis-à-vis de la rémunération. C’est une des raisons pour lesquelles ils insistent sur la grève des professeurs.
Une nouvelle année scolaire avec des conditions de travail détériorées
Conformément aux dernières indications du ministère de l’Éducation, le nombre d’élèves du secondaire a considérablement augmenté depuis 2016. Dans le même temps, le personnel enseignant a aussi progressé de 2 804 dans les écoles secondaires, et de 3 835 dans les écoles primaires. Un renforcement considéré comme largement insuffisant de la part des professeurs, estimant que les classes sont bien trop surchargées.
Le Snes souligne que le ministère ne précise toujours pas le montant des moyens alloués aux lycées et celui destiné à accueillir les élèves supplémentaires. Il affirme également que cette rentrée risque d’être très pénible aussi bien pour les conditions d’études des élèves que pour les conditions de travail des professeurs.
Lire aussi : Restrictions énergétiques : que prépare la France
La qualité de l’enseignement en régression constante
Les organisations coopérant à PISA ont récemment réalisé une enquête à propos de la situation de l’éducation en France. Elles en ont déduit que le pays se situe à peine au-dessus de la moyenne de ceux de l’OCDE. Les inégalités ne cessent de se creuser, et ce même si des dizaines de réformes se sont accumulées.
Au sein des pays de l’OCDE, le niveau en expression écrite des 10% d’élèves provenant des familles à hauts revenus est supérieur de trois ans par rapport à celui des 10% d’élèves issus des familles à faibles revenus. Dans le cas de la France, les retards des élèves en la matière s’aggravent chaque année.
Autre constat tout aussi préoccupant : La volonté de lutter en faveur de la défense de la profession d’enseignant et d’une école publique de qualité semble avoir disparu. Les enseignants des écoles, d’après un sondage effectué par le SNUIPP-FSU, sont plus de la moitié à envisager de quitter leur poste. Quant à une récente recherche de l’UNSA effectuée auprès de 43 000 professeurs, 22% seulement d’entre eux recommanderaient aux plus jeunes d’exercer cette profession.
Cependant, le sentiment de défaitisme peut se renverser de manière très rapide. En effet, l’expérience a démontré que pour modifier le cours que prennent certaines choses, il ne suffit pas de passer par les urnes pour arracher une « bonne réforme ». Au lieu de cela, il faut surtout procéder à des mobilisations sociales de grande ampleur.