Un projet de loi antiterroriste qui permettrait aux services de sécurité français de multiplier l’utilisation d’une technique controversée «d’algorithme» pour détecter les menaces potentielles doit être présenté mercredi au cabinet français.

Le texte, présenté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, renforce essentiellement un arsenal de dispositions qui existent déjà mais que l’exécutif veut graver dans le marbre.

La mesure la plus controversée concerne la technique dite «d’algorithme» qui permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces tout en l’étendant aux adresses Web (URL).

Le projet de loi augmenterait également le délai de collecte des données informatiques à deux mois contre un mois actuellement et pour les autorités de stocker ces données « mortes » pendant cinq ans au maximum à des fins de recherche et développement et de faire progresser l’intelligence artificielle des services de renseignement. 

S’adressant à la radio France Inter mercredi matin, Darmanin a défendu la technique, affirmant que « aujourd’hui, si une personne se connecte et regarde des vidéos de décapitation sur Internet, on ne sait pas. Avec la nouvelle loi, on connaîtra ces connexions ».

Il a ajouté qu’il s’agit « d’appliquer à Internet ce que nous appliquons au téléphone » en termes de surveillance.

Il a également déclaré que deux des 35 attentats terroristes déjoués dans le pays depuis 2017 l’avaient été « grâce aux traces numériques » laissées par les auteurs et que neuf attaques récentes n’étaient pas évitables avec les ressources actuelles « .

« Les terroristes ont changé leur façon de communiquer », a-t-il poursuivi, affirmant que les auteurs des attaques meurtrières au couteau contre le professeur Samuel Paty et la basilique de Nice n’avaient communiqué que via Facebook et Messenger, et non par téléphone.

Cela survient quelques jours à peine après qu’une policière a été poignardée à mort à Rambouillet, à environ 60 km au sud-ouest de Paris, dans un attentat terroriste présumé.

Il a également réfuté les inquiétudes «naïves» sur le projet de loi portant atteinte aux libertés civiles, dans une interview publiée dimanche par le Journal du Dimanche.

« Toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et ce ne serait que l’État qui ne pourrait pas les utiliser », a-t-il déclaré.

Que contient d’autre le projet de loi antiterroriste ?

Le projet de loi permettrait également :

  • aux autorités de saisir des appareils électroniques lors de « visites à domicile » aux délinquants s’ils refusent de donner accès à leur contenu.
  • prolonger la détention à domicile jusqu’à deux ans après la sortie de prison, contre un actuellement, pour les personnes condamnées à au moins cinq ans pour terrorisme.
  • les mesures contre les personnes considérées comme «à risque particulièrement élevé» de récidive seraient renforcées et incluraient l’obligation de s’établir dans un lieu donné pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans après la fin de leur peine.

« Cela concerne un peu moins d’une centaine de prisonniers condamnés, qui vont être libérés, et qui doivent impérativement être surveillés et suivis de près », a déclaré le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti sur France 2 mercredi matin.

En outre, le texte propose d’interdire à une personne tenue de résider dans une zone géographique donnée de se présenter dans un lieu où « un événement soumis à un risque terroriste particulier en raison de son ampleur ou de sa nature » est organisé, tel qu’un événement sportif ou un festival de musique.

Le projet de loi, qui doit être promulgué avant le 31 juillet, est susceptible de susciter de vives critiques de la part des législateurs de l’opposition et des défenseurs des libertés civiles.