Depuis plusieurs années, l’Europe fait face à des pénuries récurrentes de médicaments essentiels. Cette situation s’explique en partie par une dépendance excessive aux importations de principes actifs, notamment en provenance de pays asiatiques. Selon le Sénat français, seulement 35 % des principes actifs utilisés dans les médicaments génériques sont produits en Europe, tandis que 60 à 70 % des médicaments génériques eux-mêmes sont fabriqués sur le continent.

Des pénuries de médicaments aux conséquences sanitaires graves

Les ruptures d’approvisionnement concernent une large gamme de médicaments, des antibiotiques aux traitements contre le cancer. En Allemagne, par exemple, environ 1 600 médicaments étaient en rupture de stock en septembre 2024, affectant gravement les patients atteints de diverses maladies.

Ces pénuries entraînent des interruptions de traitement dans près de 88 % des cas, selon une étude de Statista, augmentant ainsi les risques pour la santé des patients.

Des initiatives européennes pour remédier à la crise

Face à cette situation critique, la Commission européenne prévoit de présenter une « Loi sur les Médicaments Critiques » le 11 mars 2025. Cette initiative vise à réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des pays tiers et à assurer la disponibilité de médicaments essentiels tels que le paracétamol et les antibiotiques.

Pour pallier ces pénuries, plusieurs experts suggèrent la création d’une capacité de production pharmaceutique publique. Cette approche permettrait de garantir une production stable de médicaments essentiels, renforçant ainsi l’autonomie stratégique de l’Europe et réduisant sa dépendance aux chaînes d’approvisionnement internationales. Des initiatives similaires existent déjà, comme au Brésil ou en Californie, où la production publique assure l’approvisionnement en médicaments essentiels

Cependant, des défis subsistent en raison des disparités entre les pays disposant d’une industrie pharmaceutique robuste et ceux confrontés à des problèmes d’approvisionnement.

Des impacts directs sur la santé des Européens

Les pénuries de médicaments ont des répercussions directes sur la santé publique. Les patients sont contraints de modifier ou d’interrompre leurs traitements, ce qui peut entraîner une aggravation de leur état de santé. De plus, le recours à des alternatives thérapeutiques peut augmenter les coûts et le risque d’erreurs médicamenteuses. Selon le Haut Conseil de la Santé Publique en France, ces situations peuvent également pousser certains patients à se tourner vers des médicaments contrefaits ou non contrôlés, notamment via des achats en ligne, augmentant ainsi les risques sanitaires.

Le manque d’investissement dans la production provoque les pénuries de médicaments

L’Europe a progressivement délocalisé la fabrication de nombreux médicaments et principes actifs vers l’Asie, notamment la Chine et l’Inde. Cette dépendance réduit la capacité de production locale et expose les États à des pénuries dès qu’une crise survient (pandémie, tensions géopolitiques, restrictions à l’exportation). L’absence d’investissements suffisants dans l’industrie pharmaceutique européenne aggrave cette vulnérabilité.

Les ruptures de stock proviennent aussi d’un manque de coordination logistique. Les laboratoires privilégient des stratégies de flux tendu pour réduire leurs coûts, ce qui empêche d’anticiper des hausses soudaines de la demande. Par ailleurs, la réglementation varie d’un pays à l’autre, ce qui complique la distribution et retarde l’acheminement des médicaments là où ils sont le plus nécessaires.

Une dépendance aux marchés internationaux

Les médicaments essentiels sont souvent peu rentables pour les laboratoires, ce qui conduit à une production limitée et à des arbitrages commerciaux qui favorisent certains marchés au détriment d’autres. Certains pays européens se retrouvent ainsi désavantagés en raison de prix de remboursement plus bas ou de commandes moins attractives pour les fabricants.

Une mobilisation nécessaire à tous les niveaux contre les pénuries de médicaments

La résolution de cette crise nécessite une mobilisation concertée des institutions européennes, des États membres et des acteurs de l’industrie pharmaceutique. Des investissements dans la production locale, une meilleure coordination des politiques de santé et une anticipation des besoins sont essentiels pour garantir un accès équitable et continu aux médicaments pour tous les citoyens européens.

Un problème systémique nécessitant une refonte

Au final, la crise des pénuries résulte d’un manque de vision stratégique à long terme. Il ne suffit pas d’injecter plus d’argent dans le secteur : il faut aussi repenser l’organisation logistique, relocaliser une partie de la production et harmoniser les réglementations pour garantir un accès équitable aux médicaments en Europe.