Dès que l’exécutif a mis en marche l’article 49.3 pour la réforme des retraites, les membres de l’opposition parlementaire ont réagi rapidement en préparant une motion de censure contre le projet de loi. Marine Le Pen, la dirigeante du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale, a été la première à répondre en présentant la motion de censure comme elle l’avait annoncé le 16 mars dernier. D’autres groupes politiques, tels que La France insoumise, envisagent également de déposer une motion de censure. Comment cette procédure fonctionne-t-elle ?
49 alinéa 3 : Qu’est-ce que c’est donc ?
L’article 49, alinéa 3 de la Constitution française est un élément essentiel des règles régissant le fonctionnement de notre République. Il confère exclusivement au Premier ministre le pouvoir d’utiliser cette disposition, d’où son appellation courante l’article 49.3. En vertu de cette disposition, le Premier ministre peut faire adopter une loi sans que les députés aient à voter dessus.
Dans le passé, ce dispositif a été mis en œuvre par les gouvernements dans le but de :
- Diriger malgré une majorité fragile à l’Assemblée nationale ;
- Accélérer l’étude d’un texte qui stagne et contrer une obstruction de l’opposition ;
- Éviter une opposition interne en obligeant les opposants à prendre une décision difficile.
Cependant, l’utilisation de l’article 49.3 est souvent critiquée, car elle limite la capacité des parlementaires à débattre et à amender les projets de loi proposés par le gouvernement. Elle peut également être considérée comme une violation de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.
Comment ça marche le 49.3 ?
Imaginons qu’un gouvernement présente un projet de loi à l’Assemblée nationale, le lieu où les députés élus par le peuple votent les lois et exercent un contrôle sur l’action du gouvernement. Si les débats deviennent houleux et que le gouvernement d’Élisabeth Borne craint que sa proposition soit rejetée, il peut recourir à l’article 49.3 de la Constitution.
L’adoption de la loi peut ainsi se faire sans vote et les débats sont stoppés. Cependant, il y a un risque de passer en force, car les députés peuvent riposter en proposant une motion de censure pour bloquer le projet de loi.
En pratique, cette situation est rare, car le gouvernement s’assure toujours au préalable qu’il aura suffisamment de députés dans son camp et parmi ses alliés pour voter contre une motion. L’article 49 alinéa 3 est donc un outil de dernier recours, souvent critiqué, car il restreint les débats et prive les députés de leur droit de vote.
Réforme des retraites : Le gouvernement d’Élisabeth Borne
Le gouvernement avait proposé une loi visant à modifier les règles relatives à l’âge de départ à la retraite. Cependant, cette proposition devait être soumise au vote. C’est alors que la Première ministre a pris la décision de recourir à l’article 49.3 de la Constitution française pour faire adopter la loi sans passer par le vote.
L’article 49 alinéa 3, utilisé comme une arme dont dispose le gouvernement face au Parlement, permet de faire ainsi adopter un projet de loi sans vote, à condition que celui-ci ne soit pas renversé par une motion de censure déposée par l’opposition dans les 48 heures suivant l’annonce de son utilisation.
Cet article est considéré comme un outil controversé de la Constitution française, car il permet au gouvernement de passer outre les débats parlementaires sans le consentement explicite de l’Assemblée nationale.
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La conséquence d’une motion de censure
Comme mentionné un peu plus haut, le Parlement peut réagir en déposant, dans les 24 heures qui suivent, une motion de censure. Celle-ci doit être signée par au moins un dixième des députés, soit 58 élus. Si cette motion est adoptée sans les deux jours qui suivent, par au moins 289 députés, alors le gouvernement en place doit démissionner.
Il est important de souligner que seules les voix « pour » la motion de censure sont comptabilisées. Cela signifie que si la majorité des députés se prononce contre la motion de censure, celle-ci n’est pas adoptée et le gouvernement peut continuer à exercer ses fonctions.
Malgré cela, il est à noter que jusqu’à présent, aucune motion de censure n’a été adoptée suite à l’utilisation de l’article 49.3. Néanmoins, le simple fait que cette possibilité existe contribue à renforcer l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif en France.
Le bilan de la réforme des retraites de 2023
En janvier 2023, le gouvernement français a présenté un projet de réforme des retraites qui a suscité des protestations et des grèves. Et puis, en février, les débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale concernant la réforme des retraites se terminent sans vote.
Le Sénat a ensuite examiné le texte et l’a adopté le 11 mars, en recourant au « vote bloqué ». Le 15 mars, une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs est parvenue à un accord commun sur le projet de réforme des retraites, ouvrant la voie à un vote final le 16 mars.
Néanmoins, ce jour-là, le gouvernement a décidé de recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le texte.
Ce n’est pas la première fois que cet article est utilisé
Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution le 4 octobre 1958, l’article 49.3 a été utilisé à 58 reprises. Le dernier usage en date remonte au 3 mars 2020 lorsqu’Edouard Philippe y a eu recours pour tenter de faire adopter la réforme des retraites, qui a finalement été abandonnée en raison de la crise sanitaire.
En 2006, Dominique de Villepin avait utilisé l’article 49 alinéa 3 pour faire adopter le projet de loi sur l’égalité des chances, qui incluait le CPE (Contrat Première Embauche). Cependant, en raison de la forte opposition sociale, le CPE a finalement été retiré.
En 2022, le gouvernement d’Elisabeth Borne a également eu recours à l’article 49 alinéa 3 à plusieurs reprises pour faire adopter le budget et le budget de la Sécurité sociale pour 2023. Bien que de nombreux autres recours aient eu lieu, une seule motion a réussi à renverser le gouvernement, celle sous le Gouvernement Pompidou en 1962.