L’Europe est le deuxième « importateur de déforestation » juste derrière la Chine. Il s’agit d’un statut attribué aux pays qui importent des produits issus de la déforestation. Mais le vieux continent ne compte pas rester les bras croisés face à cette situation.
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 2022, les États membres de l’UE et le Parlement européen ont trouvé un accord concernant la réglementation des produits entrant sur le territoire européen. Voici tous les détails des mesures prises par l’Europe pour lutter contre la déforestation.
La responsabilité de l’Europe dans la déforestation
Par le biais de ses importations, l’Union européenne a une part de responsabilité dans la déforestation à l’étranger. Selon le WWF (World Wide Fund For Nature), 16 % des importations de l’Europe sont à l’origine de la destruction des forêts en 2017.
Autres chiffres qui font froid dans le dos : selon la FAO, 420 millions d’hectares de forêts ont été détruits entre 1990 et 2020. Cela représente une perte de superficie supérieure à celle de l’Europe. Et 10 % de ces pertes résultent de la consommation des Européens.
Or, les forêts jouent un rôle capital dans la préservation de la biodiversité. Par ailleurs, en absorbant et en stockant les CO2, elles contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique. Préserver ces espaces en conciliants enjeux économiques et écologiques est une nécessité pour garantir l’équilibre d’écosystèmes et au défi du changement climatique.
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Grâce à l’accord conclu par les législateurs européens, la donne va changer d’ici 2024. Les produits issus de la déforestation ne pourront être ni importés ni commercialisés en Europe. Pour les entreprises, cela signifie qu’elles devront fournir une déclaration de « diligence raisonnable » qui atteste que leurs produits n’ont pas provoqué une déforestation.
L’objectif de ces interdictions est de fermer la porte de l’Europe aux produits pouvant entraîner la dégradation des forêts dans le monde. Selon le Président de la Commission environnement au Parlement, Pascal Canfin, ces mesures ont pour but de « utiliser la force de notre marché pour peser sur la mondialisation avec de véritables clauses miroirs : ce que l’on exige des producteurs européens, on l’exige aussi des importateurs ».
Il s’agit donc d’un grand pas vers la lutte contre ce fléau qui a un impact important sur l’environnement. Par ailleurs, les Européens pourront consommer des produits sans contribuer à la dégradation des forêts.
Lutte contre la déforestation: Quels sont les produits interdits à l’importation ?
Voici les postes concernés par ces nouvelles règles:
- Le bétail,
- L’huile de palme,
- Le café,
- Le cacao,
- Le soja,
- Le bois,
- Le charbon de bois.
Egalement interdits, les produits dérivés tels que la viande de bœuf, le cuir, le papier imprimé, ou encore le chocolat. Cela concerne aussi certains produits cosmétiques contenant essentiellement de l’huile de palme comme les rouges à lèvres et les shampoings.
À noter que cette interdiction va évoluer dans le temps. Dans les années à venir, d’autres produits pourraient s’ajouter à cette liste noire fournie par le Parlement européen. Par ailleurs, le champ d’application pourrait s’étendre sur les produits ayant un niveau élevé de stocks de carbone.
Qui contrôle l’application de la réglementation ?
Les contrôles comprennent deux phases :
- Le premier contrôle est mené par les douanes à l’entrée des produits sur le territoire européen
- Le second est réalisé par les autorités de chaque pays membre de l’UE
Les autorités européennes pourront notamment accéder à des coordonnées géographiques. En effet, à partir de mi-2024, les importateurs ont l’obligation de fournir des documents satellitaires démontrant que leurs produits ne proviennent pas d’une zone ayant fait l’objet d’une déforestation. Sans cette preuve, ils ne pourront pas faire rentrer leurs produits sur le sol européen. À noter que cela concerne uniquement les forêts abattues à compter du 31 décembre 2020.
La fréquence des contrôles sera adaptée en fonction de la provenance des produits. Celle-ci sera de 9 % des contrôles annuels pour les pays où les risques de déforestation sont particulièrement élevés, contre 3 % et 1 % respectivement pour les pays présentant des risques moyens et bas.
Quelles sanctions en cas de non-respect des règles mises en place pour lutter contre la déforestation en Europe ?
Les sanctions vont être lourdes pour les importateurs ne respectant pas cette législation. L’amande pourrait atteindre 4 % du CA (chiffre d’affaires) de l’entreprise ayant enfreint les règles.
La France, une bonne élève dans la lutte contre la déforestation en Europe
Pour lutter contre la déforestation occasionnée par les importations françaises, le gouvernement a instauré la SDNI en 2018. Cette stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée a pour but de faire cesser d’ici 2030 toute importation de produits agricoles ou forestiers pouvant dégrader les forêts à l’étranger.
La mise en place de cette stratégie fait intervenir 6 ministères, à savoir :
- Le ministère de la Transition écologique,
- Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
- Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation,
- Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance,
- Le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation,
- Le ministère de l’Enseignement supérieur,
Grâce à sa stratégie, la France figure parmi les premiers pays de l’UE à adopter une action contre la déforestation importée.
À noter que la France fait également partie des pays membres du Partenariat des déclarations d’Amsterdam de 2018. Celui-ci a pour objectif de mettre fin à la déforestation en Europe engendrée par les importations de produits agricoles.
En outre, la France, en partenariat avec plus de 30 autres pays, a mis en place l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales humides en 2020.
Afin d’optimiser la stratégie de la France visant à lutter contre la déforestation en Europe, plusieurs outils sont mis à la disposition des acteurs publics et privés :
- Un outil pour évaluer les risques de déforestation liée aux importations de soja
- Un guide pratique intitulé « S’engager dans une politique d’achat public zéro déforestation »
- Un outil de détection des fraudes liées aux biocarburants