Un plan de relance difficile

En plus du coût en termes de santé et de vies humaines, la crise du coronavirus a pratiquement démoli l’économie mondiale. Dans ses prévisions économiques du printemps, la Commission européenne a esquissé un coup dur à la croissance en 2020: -7,4% dans l’ensemble de l’Union européenne 27, -7,7% dans la zone euro et des pertes encore plus importantes, approchant les 10%, les pays les plus touchés (Grèce, Italie, Espagne).

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La bonne nouvelle est qu’il semble que des leçons ont été tirées de la crise de la zone euro. La Banque centrale européenne a réagi rapidement, augmentant massivement le soutien à la liquidité et assouplissant ses règles d’achat d’obligations. La commission a modifié les règles potentiellement restrictives en matière d’aides d’État et fiscales et a commencé à mobiliser des ressources au niveau de l’UE pour lutter contre les effets immédiats de la crise de Covid-19.

La quasi-totalité des mesures de soutien effectivement mises en œuvre, comme le programme SURE pour soutenir les régimes de chômage partiel et la nouvelle ligne de crédit dans le cadre du mécanisme européen de stabilité, se présentent cependant sous la forme de prêts.

Si les mesures actuelles de la BCE ne sont pas contestées, cette différence restera probablement relativement mineure en termes macroéconomiques. Ces prêts offrent cependant aux États membres une sécurité supplémentaire: leurs coûts d’emprunt n’augmenteront pas soudainement en raison d’une crise de confiance. De plus, les mesures servent à alléger la pression exercée sur la BCE et démontreraient la volonté politique des États membres d’agir.

Reconnaissance de la réalité

Compte tenu de la gravité de la crise actuelle, les décideurs politiques européens ont reconnu au moins tardivement que, pour éviter des dommages durables, il sera nécessaire de communautariser (en partie) la dette publique supplémentaire accumulée par les États membres du fait de la pandémie.
C’est la base de la proposition de la Commission européenne pour un plan de relance, sur le dos des initiatives espagnoles puis franco-allemandes. S’il est mis en œuvre, il marquera un changement radical dans l’intégration européenne:

  • emprunt conjoint avec répartition du produit en fonction des besoins;
  • une enveloppe d’environ 5% du produit intérieur brut (annuel);
  • une redistribution substantielle, sur le plan géographique et inter-temporel, avec un service de la dette poussé loin dans le futur ;
  • création d’un actif européen sûr.

Réforme et investissement

Il ne faut pas non plus oublier que les règles budgétaires et de gouvernance économique de l’Europe ont un besoin urgent de réforme. Si les règles budgétaires existantes, actuellement suspendues, sont réimposées telles quelles, une nouvelle vague d’austérité tuerait immédiatement toute reprise. La commission a lancé à juste titre une procédure de consultation sur la réforme au début de l’année; il ne doit pas être déraillé par la pandémie.

Enfin, ce qui fait encore défaut, même dans le plan de relance, est une réponse véritablement européenne aux défis entrelacés à plus long terme auxquels l’Union est confrontée. Toutes les propositions correspondent à diverses formes de subventions ou de prêts aux États membres pour faciliter la mise en œuvre de ce qui reste – même s’il existe une certaine coordination – les politiques des États membres.

Toutefois, il faudrait un programme concret d’investissements publics substantiels à l’échelle de l’UE. Celui-ci engloberait les domaines tels que :

  • les infrastructures de transport,
  • les réseaux électriques,
  • les programmes de décarbonation,
  • la santé publique.

Parallèlement à un ensemble de mesures de soutien aux États membres d’un demi-milliard d’euros, un programme d’investissement sur dix ans dans de telles mesures au niveau européen, doté d’un budget de 1,5 milliard d’euros, pourrait être éminemment financé sur les marchés à des taux d’intérêt très bas.
Cela créerait un actif sûr à haut volume qui faciliterait la politique monétaire de la BCE et fournirait aux investisseurs privés un moyen de placer leurs fonds en toute sécurité, évitant les paniques des banques. L’investissement associé fournirait le coup de pouce nécessaire à court terme, tout en contribuant de manière importante aux objectifs à plus long terme: relever le niveau de vie, promouvoir la cohésion et accélérer la décarbonation nécessaire de l’activité économique.

Sortie de crise

Ce qui est encourageant, c’est que, face à la crise provoquée par la pandémie, tout comme lors de la crise financière, les vieux tabous sont brisés. L’UE qui émerge sera probablement très différente de celle qui est entrée dans la crise en 2020.
Pourtant, il y a de l’opposition et beaucoup reste à faire pour convaincre les derniers Etats membres des avantages économiques et, dans de nombreux cas, de la nécessité d’une coordination au niveau de l’UE elle-même. Comme le père fondateur Robert Schuman le reconnaissait déjà dans les années 50, c’est en livrant visiblement des biens publics concrets, que les citoyens apprécient, que l’Europe se construit.