Afin que l’UE puisse se débarrasser du carbone généré par les industries pollueuses, la Commission européenne a élaboré un nouvel outil climatique pour taxer l’importation aux frontières de l’Union européenne. Cette nouvelle initiative inquiète sérieusement les industriels non européens.

Lors de la présentation, l’Euro-commissaire à l’économie, Paolo Gentiloni, a déclaré :

C’est un outil de politique environnementale, pas une redevance, ni une taxe.

Par ailleurs, il a reconnu l’inquiétude et la curiosité au sujet de cette décision au niveau mondial.

Gentiloni s’inspire d’un concept qui survole le débat climatique européen depuis des décennies. A juste titre, appelé le Mécanisme d’ajustement aux frontières carbone (CBAM). Il pourrait entrer en conflit avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’il est compris comme une subvention à l’Europe.

Comment va fonctionner ce nouvel outil climatique européen.

Pour rappel, le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE ou ETS) est un mécanisme de droits d’émissions de dioxyde de carbone (CO2). Mis en place par l’Union européenne lors de la ratification du protocole de Kyoto, cette bourse carbone vise à réduire et répartir les émissions globales de CO2.

Le CBAM est lié au système d’échange de quotas d’émission ETS. Pour le marché européen, le prix est fixé pour chaque tonne de CO2 émise par quelque 10 000 usines énergivores dans l’UE.

Pour ne pas pénaliser les entreprises moins compétitives, certaines industries bénéficient actuellement de permis pour émettre plus de CO2 qu’elles ne le devraient. Toutefois, ce schéma devrait être achevé d’ici 2035, selon la nouvelle proposition.

Pour que le mécanisme ne crée pas de problèmes à l’OMC, les exonérations européennes vont progressivement disparaître pour les industriels pollueurs. Mais en réalité, il faudra attendre 2026 pour qu’un ajustement carbone des importations soit effectif.

Entre 2023 et 2025, les experts collecteront des informations auprès des importateurs et en 2026 le mécanisme démarrera. Cependant, la Commission propose, dans un premier temps, d’appliquer l’outil climatique,  à cinq secteurs :

  • L’engrais,
  • L’aluminium,
  • La sidérurgie,
  • Le ciment
  • L’électricité.

Cette sélection représente 2 % des importations de l’UE, et elle sera progressivement étendue.

Risque de délocalisation des industries.

Effectivement, ces industries présentent un risque de « fuite de carbone ». Cela veut dire que l’on craint que les usines européennes ne se délocalisent vers des territoires aux normes environnementales moins strictes.

Les principaux pays affectés par l’outil climatique européen.

Liste non exhaustive des pays affectés.

  • Albanie
  • Algérie
  • Arabie Saoudite
  • Bahreïn
  • Bosnie-Herzégovine
  • Brésil,
  • Chine,
  • Corée du Sud,
  • Égypte,
  • Maroc,
  • Mozambique,
  • Royaume-Uni,
  • Russie,
  • Serbie,
  • Taïwan,
  • Tunisie
  • Turquie
  • Ukraine.

De plus, l’importateur devra fournir des informations et demander des autorisations pour introduire les produits sur le marché communautaire. Dans le cas contraire, la moyenne de 10 % des usines les plus polluantes du secteur dans l’UE lui serait appliquée.

Selon la proposition de la Commission, le mécanisme ne s’appliquerait pas à l’Islande, au Liechtenstein, à la Norvège et à la Suisse voisins, ni aux pays tiers disposant d’outils similaires, comme le Japon, le Canada ou la Chine.

Une partie des fonds ira au budget de l’UE, sous forme de ressources propres, et une partie aux politiques climatiques des États membres.

Diplomatie climatique.

Il faut dire que Bruxelles a passé des mois à faire de la pédagogie internationale sur son outil climatique. On remarque  que ce mécanisme boycotte des pays comme la Russie et la Turquie. Plus encore, la Chine et l’Inde.

De son côté, Dan Tehan, ministre australien du Commerce a déclaré que “cela comporte un risque de promouvoir le protectionnisme”.

L’envoyé spécial pour le climat des États-Unis, John Kerry, a demandé à l’UE d’utiliser ce mécanisme un dernier recours. Par ailleurs, il propose de ne le mettre en place qu’après le sommet sur le climat COP 26 de novembre à Glasgow.  D’ici là, la communauté internationale fera le point sur les progrès accomplis dans la lutte contre le changement climatique depuis l’Accord de Paris de 2015.

DÉFIS

Les enjeux techniques résident dans la traçabilité du carbone, car plus le produit est élaboré, plus il est difficile de lui attribuer le CO2 généré. Ainsi, le danger politique pourrait se reconnaître comme une mauvaise interprétation au niveau international.

Pour conclure, ce nouvel outil climatique européen pourrait être considéré comme du protectionniste, pénalisant ainsi les pays en développement.